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Italie : Contrôle de la presse, lois anti-IVG et anti-gay... Le gouvernement Meloni durcit le ton

Depuis son élection à la tête d'une coalition de droite et d'extrême droite en 2022, Giorgia Meloni, présidente du conseil italien, a mis en application un bon nombre de mesures controversées de son programme. Que ce soit à propos de son implication décriée dans les médias italiens ou dans des projets de loi restreignant l'avortement ou les droits LGBT, tour d'horizon des polémiques que doit affronter le gouvernement conservateur italien.


Store norske leksikon

Après près de deux ans passés au pouvoir, Giorgia Meloni a eu le temps de poser les bases de son programme souvent sujet à controverse.


 

La liberté de la presse, sujet tabou dans le gouvernement Meloni


Depuis ce début d'année, le service public italien est en ébullition : grèves, communiqués lus à l'antenne, déprogrammation... Pour savoir comment la RAI, principal groupe de radio-télévision public d'Italie en est arrivé là, il faut revenir début 2023. Dénonçant les pressions du gouvernement Meloni le concernant, Carlos Fuortes, patron de la RAI, démissionne, et se voit remplacé par un proche du pouvoir conservateur. Face aux polémiques, le gouvernement justifie un rééquilibrage politique d'un audiovisuel penchant, selon lui, trop à gauche.


Depuis, les critiques du gouvernement se font plus rares et les déprogrammations suspectes s'enchaînent. Dernière en date : celle de l'auteur et historien Antonio Scurati, spécialiste du fascisme et notamment de la figure de Benito Mussolini, et qui devait prononcer un discours à l'occasion des 80 ans de la libération de l'Italie. Le discours, devant initialement être prononcé dans l'émission "Chesarà..." sur la chaîne RAI 3, faisait mention des liens présumés entre le parti d'extrême droite de la Présidente du Conseil, Fratelli d'Italia (Fdl), et le fascisme, le parti ayant été fondé sur les cendres du Mouvement Social italien, héritier du Parti fasciste républicain de Mussolini. Si la RAI a d'abord justifié une raison économique à cette déprogrammation, la presse italienne a finalement révélé un document évoquant des "raisons éditoriales" à cette annulation. Cet exemple, qui a d'ailleurs suscité une vive polémique dans le pays de la botte, a provoqué l'indignation de l'opposition de centre-gauche (Parti Démocrate) qui se mobilise vent debout face au contrôle accru de la RAI par le gouvernement. Ironique quand on sait que la loi donnant plus de pouvoir à Giorgia Meloni dans ce domaine a été votée sous une majorité du PD.


"Depuis le début, ce gouvernement se comporte en propriétaire. Marre de télé Meloni ! Marre d’un service public réduit à faire la propagande de son gouvernement !"

Elly Schlein, secrétaire du PD en marge d'une manifestation devant le siège de la RAI.


 


Mais ce n'est pas tout. La deuxième agence de presse du pays, l'Agi, détenue par un groupe public, est menacée d'être vendue à Antonio Angelucci, député de la Lega, parti d'extrême droite allié à celui de Meloni, et éditeur de trois quotidiens de droite voire d'extrême droite (Libero, Il Giornale, Il Tempo). Là encore des grèves ont été organisées et le PD a envoyé une lettre à la Commission européenne pour dénoncer la situation.


Enfin, un projet de loi proposé par le sénateur Fdl Gianni Berrino vient mettre un dernier clou dans le cercueil de la liberté d'expression italienne selon certains. Ce dernier prévoit en effet de punir la diffamation par voie de presse à trois ans de prison, et jusqu'à quatre ans et demi si la personne visée est innocente. Le site Internet L'independente a estimé que cet amendement "réintroduit la prison pour les journalistes", et ce, alors même que l'historien Luciano Canfora a comparu devant la justice au même moment pour avoir qualifié, il y a deux ans, Giorgia Meloni de "néonazie dans l'âme", en faisant référence aux origines de son parti. Il faut tout de même noter que l'avenir de cet amendement reste flou, Forza Italia, parti de feu Silvio Berlusconi et membre de la majorité de Meloni, s'y étant opposé.



Wikimedia Commons

Luciano Canfaro, historien italien de renom, a été traîné en justice par la présidente du conseil pour l'avoir qualifiée de "néonazie dans l'âme".


 

Une loi autorisant les anti-IVG a rentré dans les centres de conseil


Elle l'a dit et répété, Meloni ne veut pas abolir la loi 194, relative à l'autorisation de l'Interruption Volontaire de Grossesse en Italie. En revanche, le député Fdl Lorenzo Malagola a tout de même réussi à faire voter un amendement autorisant les organisations anti-IVG à rentrer dans les centres de conseil pour dissuader les femmes de pratiquer un avortement. Les centres de conseil permettent aux femmes d'obtenir un certificat de leur médecin, pour ensuite pouvoir pratiquer un avortement. Pour qualifier les organisations pouvant entrer dans ces centres, Lorenzo Malagola parle d'entités ayant une « expérience qualifiée dans le soutien à la maternité ».


La loi, adoptée dans les deux chambres du Parlement, a fait hurler l'opposition, que ce soit sur le contenu même de cette mesure, mais aussi sur son financement, à partir du fond de relance post-Covid de l'UE dont l'Italie est la plus grande bénéficiaire. La députée du Mouvement Cinq Étoiles (syncrétique) Gilda Sportiello, avait par ailleurs fait une intervention remarquée à la Chambre des députés en avril dernier, où elle a fustigé l'amendement en faisant part de sa propre histoire personnelle :

"Je suis mère, j'ai choisi d'être mère. Il y a 14 ans, j'ai choisi d'avorter. (...) Et quand je me regarde dans le miroir, je me sens ni coupable, ni honteuse. Ceux qui doivent avoir honte, c'est vous !"

Cette mesure intervient dans un contexte de fort déclin du recours à l'IVG dans le pays transalpin. Si on en dénombrait effectivement 64 000 en 2021, ce chiffre était de 217 000 en France, la même année, selon la Drees. Cela est sans doute dû au nombre très important de gynécologues qui mettent en avant l'objection de conscience que la loi leur prévoit pour refuser de pratiquer une IVG. En 2021, le ministère de la Santé italien a publié des chiffres selon lesquels 63 % des gynécologues refusaient de pratiquer l'avortement, ce chiffre grimpe même à 80 % dans le sud de l'Italie. Le lien ci-dessous permet de consulter les chiffres détaillés (page en italien).



La guerre de Meloni contre les couples gays


Autre aspect controversé du programme de la dirigeante d'extrême droite : sa législation en matière des personnes homosexuelles. En Italie, seule les union civiles sont autorisées pour les personnes de même sexe, depuis 2016. Or, Giorgia Meloni se déclare ouvertement contre les droits LGBT, elle avait par exemple déclaré quelques mois avant d'être élu à la tête de l'Italie :

"Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l'identité sexuelle, non à l'idéologie du genre !"

C'est donc tout naturellement que son ministère de l'Intérieur a diffusé une circulaire exhortant les maires de n'inscrire, pour les enfants issus d'une GPA à l'étranger (interdite en Italie), que le nom du parent biologique sur les actes de naissances pour les couples homosexuels. Cette mesure fait perdre toute autorité parentale au parent n'étant pas inscrit sur l'acte de naissance, qui n'a donc aucun lien avec l'enfant au regard de la loi. Si des maires de gauche et de centre gauche ont essayé de contourner la loi en acceptant d'enregistrer les deux parents, ils ont cependant vite été rappelés à l'ordre.


Or, en mars dernier, deux femmes lesbiennes ont obtenu du tribunal administratif de Padoue, dans le nord du pays, l'inscription des deux mères sur l'acte de naissance. Cette décision de justice est d'autant plus inattendue qu'une décision similaire du tribunal de Milan avait été cassé en appel un mois plus tôt. Quoi qu'il en soit, Meloni n'en a pas fini avec la GPA, elle a notamment déclaré qu'elle voulait faire du recours à une mère porteuse à l'étranger un "délit universel".


Flickr

Gay pride en Sicile, en juillet 2022


 

Une popularité en baisse ces derniers temps


Si Giorgia Meloni, qui est arrivée au pouvoir fin 2022, a longtemps pu se targuer d'être l'une des cheffe d'État les plus appréciées d'Europe, sa popularité a tout de même subi une importante baisse en 2024. En effet, selon Statista, 41% des italiens ont une bonne image de leur dirigeante, quand 51% en ont une mauvaise image. Cela peut s'expliquer par un bilan médiocre dans plusieurs domaines, notamment l'immigration, qu'elle a pourtant érigé en priorité de son mandat en promettant de stopper les bateaux de migrants, sans succès, ou encore l'économie, la croissance italienne étant plus faible qu'attendu sur les deux dernières années. Pourtant, Fratelli d'Italia, le parti de la présidente du Conseil, reste en première position dans les sondages, bien que l'écart avec le PD tende à se réduire ces derniers temps. De plus, Meloni doit faire face aux dissensions au sein même de sa majorité, entre une aile modérée incarnée par Forza Italia, et une aile radicale, représentée par la Lega de Matteo Salvini, allié de Marine Le Pen sur le plan européen. Reste à savoir si la coalition de Meloni tiendra ou si de nouvelles élections devront être organisées de manière anticipée dans le pays.



Wikimedia Commons

La présidente du conseil des ministres italien Giorgia Meloni a notamment souffert de l'épisode de la crise migratoire de Lampedusa, alors même qu'elle avait érigé ce dossier en priorité de son mandat lorsqu'elle a accédé au pouvoir.



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